Créé en avril 2016, le Fonds de Soutien aux Médias d’Information Sociale de Proximité permet d’apporter chaque année un soutien financier à des médias ancrés localement. Mais ce n’est pas qu’une histoire d’argent. Grâce aux retours précis de la commission d’attribution, les médias bénéficiaires peuvent gagner en pertinence. Et voient aussi leur travail reconnu par l’Institution.
Pour commencer, il faut savoir de quoi on parle. Ici donc, le Fonds de Soutien aux Médias d’Information Sociale de Proximité qu’on abrègera en FSMISP, au fil de cet article. Il est créé en avril 2016, par le ministère de la Culture. Mais c’est quoi précisément, des médias d’information sociale de proximité ? Le décret les définit comme ceci : « des publications de presse, soit des services de presse en ligne, soit d’autres services de communication au public par voie électronique, mettant en ligne des contenus d’intérêt général renouvelés régulièrement et faisant l’objet d’un traitement journalistique. Pourvu qu’ils s’adressent principalement à des publics locaux, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou les zones de revitalisation rurale. » Rentrent donc dans cette catégorie : les publications de presse écrite, les sites internet de presse, radios, télévisions, webtélés ou encore web radios.
Le décret précise aussi points particulièrement observés par la commission lors de l’étude des dossiers :
- L’insertion du média dans un territoire et sa contribution à la mission de communication sociale de proximité ;
- La contribution de celui-ci à l’intégration et à la lutte contre les discriminations ;
- Sa dimension d’éducation aux médias et à la liberté d’expression ;
- L’association des habitants au projet ;
- La capacité du média à favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels et l’expression des différents courants socio-culturels ;
- Sa contribution au développement local et à la protection de l’environnement
« Il faut bien comprendre que c’est une aide globale et non une aide au projet, ni l’émergence d’un nouveau média, il n’est donc pas possible de solliciter ce fonds dès la première année », précise Sophie Josseaux, conseillère action culturelle et territoriale pour le département de l’Oise, conseillère Éducation aux médias et à l’information et qui siège à la commission pour un avis consultatif sur les dossiers. « On est attentifs à ce que le média produit, s’il y a ou non d’autres financeurs en soutien ou encore si ce média est bien l’activité principale de l’association qui sollicite le fonds. »
L’étude des dossiers se fait en deux temps, un premier au niveau régional où chaque DRAC étudie, motive les avis, argumente chaque note, avant que les dossiers ne soient envoyés devant la commission nationale qui rassemble un représentant de chaque région et d’autres de la société civile. De la note obtenue par le dossier, découle le montant de l’aide. « Mais celui-ci n’est pas identique chaque année, il dépend d’une part du montant de l’enveloppe globale (1,8 million d’euros pour 2022, ndlr) et d’autre part du nombre de médias qui postulent », détaille Sophie Josseaux.
Les médias locaux de proximité peuvent déposer chaque année un dossier, puisque l’attribution de ce fonds n’est pas limitée ni dans le temps ni dans le nombre de demandes. « Tant que le projet continue d’être pertinent, l’aide est renouvelée », poursuit la conseillère. « Quand un média est aidé depuis plusieurs années, on va regarder comment il tend à impliquer les habitants dans son fonctionnement, à la vie et à la structuration du média, afin qu’ils ne soient juste pas bénéficiaires de celui-ci. C’est notamment ce qu’il s’est passé avec Micros Rebelles qui a réfléchi au fil des années à une implication des habitants à quasiment toutes les strates du média, avec une belle progression. »
Micros Rebelles, c’est une webradio autogérée installée à Lens, qui produit de l’information d’actualité locale sociale, politique et culturelle et fonctionne sur la base d’une assemblée générale mensuelle qui rassemble les salarié·e·s, les bénévoles, et les auditeurs et auditrices. « On est un mégaphone des alternatives économiques, sociales et solidaires, de l’éducation populaire mais aussi des luttes des femmes et des hommes qui s’organisent pour changer la société », résume Lucien, qui est à la tête de la commission administrative et financière. Micros Rebelles fonctionne sous statut associatif et ne bénéficie d’aucune aide en tant que média, à part ce fonds, bien que ces salariés soient tous journalistes. « Ce fonds de soutien, heureusement que ça existe ! C’est la seule contribution significative. Pour nous, c’est extrêmement important, ce FSMISP c’est 1⁄6 de notre budget. Et puis c’est une vraie reconnaissance de notre travail depuis 2020 », explique Lucien, « Aujourd’hui les associations sont majoritairement subventionnées sur les appels à projets, alors qu’avant elles l’étaient sur la base de leur fonctionnement. Avec ce fonds on en revient donc à l’essence même du financement qui est de produire de l’info locale et de proximité. »
Ce FSMISP permet parfois aussi la pérennisation de poste de journalistes, comme ce fut le cas pour Le blog de Roubaix, média créé par Bruno Lestienne et qui est bénéficiaire du fonds depuis 2018. « Cela nous a permis de pérenniser un poste de journaliste salarié à mi-temps et de revoir toute la partie technique du blog », explique Sophie Magalhaes, journaliste pour ce média dont la ligne éditoriale est l’engagement et la participation citoyenne à Roubaix. « Nous faisons à la fois des vidéos et des articles de fond, et nous travaillons avec les habitants du quartier Hommelet, qui est un quartier prioritaire de la ville », détaille Sophie. « Grâce aux conseils reçus lors de l’instruction des dossiers par la commission, nous avons réorienté un peu notre ligne éditoriale. Elle était très axée sur la culture, nous l’avons désormais élargi à d’autres sujets. »
Laurent Lapo, de Télé Baie de Somme, un média audiovisuel participatif installé à Abbeville est lui aussi bénéficiaire du FSMISP. À chaque dépôt de dossier, il reçoit de la part de commission de nombreux conseils pour perfectionner son média. « Je faisais trop d’hyper proximité, il n’y avait pas assez d’ouverture, pas assez de régularité dans les publications, mon contenu n’était pas assez profilé journalisme. Alors j’ai fait des modifications, j’ai tenu la barre mais je n’étais pas tout seul la dedans. J’avais le soutien d’EMI’cycle et puis il y a eu ma rencontre avec Julien et Flora (Julien Pitinome et Flora Beillouin ndlr) », explique Laurent. « J’ai respecté les conseils qui m’étaient prodigués et cela m’a légitimé dans ma propre fonction de directeur de la publication d’un média. Être bénéficiaire de ce fonds m’a aussi légitimé par rapport aux autres partenaires », poursuit-il. Après la prise en compte des conseils de la commission, Télé Baie de Somme a vu le montant de son aide doublé la deuxième année. « Je suis fier de dire que je suis soutenu par ce fonds, je ne l’ai pas obtenu comme ça, en un claquement de doigts, c’est le fruit de beaucoup de travail. Et c’est peut-être aussi grâce à lui que mon média va être encore plus pérenne. »
Clémence Leleu, journaliste